La boucherie Jeux

À la fin du XIXe siècle, Vichy attire un nombre croissant de visiteurs juifs, séduits à la fois par les promesses thérapeutiques de ses eaux thermales et par son offre de loisirs. Pourtant, en l’absence d’une communauté établie, la ville se trouve dépourvue de toute infrastructure permettant la pratique du culte. La situation évolue rapidement : en quelques années, un petit oratoire est aménagé au premier étage de l’ancien hôtel des Colonies, situé boulevard de l’Hôtel de Ville (actuel boulevard de Russie), où des offices sont célébrés durant toute la saison thermale. Parallèlement, plusieurs restaurants casher ouvrent leurs portes.

Au début de la guerre, Vichy compte au moins quatre restaurants et deux boucheries casher : la boucherie Kahn, au 22 rue Pasteur et la boucherie Jeux, au 27 rue de l’Hôtel des Postes. Cette dernière n’est pas une boucherie juive mais son propriétaire accepte de mettre à disposition de la communauté une pièce dédiée à la viande casher. La viande y est vendue le samedi de 17h30 à 19h30 et les autres jours de 14h00 à 17h00. En janvier 1941, la boucherie Jeux abat huit gros bovins, cinq veaux et sept moutons. C’est Benjamin Holzmann, ministre officiant, qui assure le bon respect des règles de la cacherout (cf. point correspondant).

Face à l’épuisement progressif de ses ressources, la communauté juive impose deux taxes distinctes sur la viande. La première incombe aux clients, dont les achats sont majorés de 3 %. La seconde repose sur les fournisseurs et les bouchers qui pratiquent l’abattage rituel. Ces deux taxes s’avèrent, toutefois, moins lucratives qu’espéré. En 1941, afin de rendre la taxe d’abattage plus performante, la commission administrative propose de substituer au prélèvement forfaitaire appliqué à Vichy un mode de calcul proportionnel au nombre d’animaux abattus, à l’image de ce qui se fait dans d’autres communautés. Les directeurs des boucheries Jeux et Kahn sont consultés ; sans doute en vain. En effet, les montants afférents aux taxes sur la viande, tels qu’ils figurent dans les comptes communautaires des mois suivants, laissent penser que la réforme envisagée n’a jamais été mise en œuvre.

Sources :
Archives municipales de Vichy.
Archives du Mémorial de la Shoah. CMLV- Fonds de la communauté israélite de Vichy.
Antonin Mallat, Vichy à travers les âges, Vichy, Imprimerie centrale bourbonnaise, 1934.

27 rue de l’Hôtel des Postes (ex rue du Marché)
03200 Vichy