Anatole Martineau
Pour les Juifs à Vichy, les six premiers mois de l’année 1944 — qui correspondent aux derniers mois de l’Occupation — s’avèrent plus meurtriers que toute l’année précédente : près de 80 d’entre eux sont arrêtés et déportés entre janvier et juillet. Les arrestations sont menées conjointement par les autorités allemandes, la milice, et la brigade dirigée par Pierre Poinsot. Ce dernier, après s’être tristement illustré à Bordeaux, est nommé au printemps 1944 à Vichy, en qualité de sous-directeur des Renseignements généraux, placé sous l’autorité du milicien Jean Degans, alors directeur du service.
Entré dans la police en 1919, Anatole Martineau accède au grade de commissaire divisionnaire au printemps 1944. Il devient alors chef de cabinet de Poinsot, chargé de superviser les interrogatoires, au cours desquels la torture est appliquée avec une brutalité quasi systématique. Martineau fait preuve d’une violence toute particulière, qui lui vaut le surnom de « la Terreur ». Un survivant évoque chez lui un « plaisir sadique » à infliger la souffrance, ainsi qu’une vulgarité outrancière à l’égard des femmes.
Lorsqu’il ne se trouve ni au Château des Brosses, prison de la milice, ni au siège de la brigade établi à l’hôtel du Parc Lardy (98 rue du Maréchal Lyautey), il fréquente volontiers l’hôtel Carnegie, où il prend la plupart de ses repas. Ses nuits, il les passe un peu plus loin, à l’hôtel des Sports, rue Louis Blanc.
Le débarquement du 6 juin marque un tournant décisif. Alors que le régime de Vichy est sur le point de s’effondrer, la brigade Poinsot reste inflexible. Le 22 juillet 1944, elle coordonne la dernière rafle opérée à Vichy. En l’espace de quelques heures, treize Juifs (au moins) sont arrêtés. Tous sont déportés en Allemagne. Un seul survivra.
Les membres de la brigade quittent Vichy en août 1944. Leur cavale, toutefois, est de courte durée : la plupart sont arrêtés dans les mois qui suivent leur départ. Leur procès se tient en 1946. Martineau, qui pleure tout au long de l’audience, nie les faits qui lui sont reprochés et prétend n’avoir frappé personne. Il explique avoir été dominé par Pierre Poinsot « qui lui faisait peur ». D’après le médecin qui l’a examiné, Martineau était « un individu amoindri », dû en partie à une méningite cérébro-spinale, contractée quelques années auparavant et au traumatisme lié aux bombardements qu’il avait subis à Lorient. Il conclut à une responsabilité limitée. Martineau est condamné à 10 ans de travaux forcés et à la dégradation nationale à vie.
Sources :
Archives départementales de l’Allier.
Hôtel Carnegie
88 (ex-104) rue Maréchal Lyautey
03200 Vichy