La famille Ebstein
À l’automne 1939, Vichy voit affluer des milliers de réfugiés, venus principalement de l’étranger, ainsi que d’Alsace et de Moselle. Parmi eux, Jules Ebstein, négociant en confiserie et chocolat, représentant de la Maison Lindt et Sprüngli, qui arrive de Mulhouse en compagnie de son épouse Jeanne et de leurs deux enfants, Lily et Raymond.
Devenue capitale du nouvel « État français », Vichy offre peu de place aux Juifs. Une politique d’éloignement y est mise en œuvre rapidement : les Juifs étrangers en sont les premières cibles. Les familles françaises, à l’instar de la famille Ebstein, sont, dans un premier temps, épargnées par ces mesures. Mais lorsqu’au début de l’année 1941 l’exclusion s’étend aux Juifs français, l’angoisse saisit l’ensemble de la communauté. Seront-ils, eux aussi, expulsés ? Et qu’en sera-t-il des réfugiés venus des territoires interdits, dont beaucoup appartiennent à de vieilles familles françaises et bénéficient du statut d’expulsés ?
Dans une note du 28 juin 1941, Henry Chavin précise qu’aucune autorisation de séjour à Vichy ne doit être accordée aux réfugiés juifs originaires d’Alsace-Lorraine et de la zone interdite. En pratique, toutefois, les dossiers des Juifs français issus de ces régions sont souvent traités avec une certaine bienveillance. Ainsi, en 1942, lorsque la police aux questions juives réclame l’expulsion de la famille Ebstein, au motif que la présence de Jules à Vichy n’est pas « essentielle », le préfet s’y oppose. Cette indulgence à l’égard des réfugiés de l’Est demeure, cependant, relative : entre 1941 et 1943, plusieurs centaines d’entre eux sont expulsés.
Ceux qui sont autorisés à demeurer dans la capitale provisoire ne sont pas pour autant à l’abri. L’autorisation de séjour leur permet, certes, de préserver un semblant de stabilité — un toit, parfois un emploi, souvent des liens amicaux. Mais ce répit est souvent trompeur : nombre de ceux qui sont ainsi tolérés à Vichy finissent par être arrêtés, puis déportés.
Dénoncée par un collègue de Jules, toute la famille Ebstein est arrêtée en août 1943. Les parents sont appréhendés à leur domicile, tandis que les enfants sont interpellés sur leur lieu de travail (Lily, 23 ans, est secrétaire ; Raymond, 21 ans, employé dans un magasin d’alimentation). Tous les quatre sont internés à la prison de la Mal Coiffée à Moulins, puis transférés à Drancy avant d’être déportés à Auschwitz par le convoi 60. Aucun n’a survécu.
Sources :
Archives du Mémorial de la Shoah. CMLV- Fonds de la communauté israélite de Vichy.
Archives départementales de l’Allier.
Archives nationales AJ38-242.
Témoignage du neveu de Jeanne et Jules Ebstein, cité sur le site de l’AFMD Allier.
Pour en savoir plus sur Lily Ebstein : « Les fleurs retrouvées de Lily Ebstein », la fabrique de l’histoire, France Culture : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-fabrique-de-l-histoire/les-fleurs-retrouvees-de-lily-ebstein-8762761
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