Xavier Vallat
Xavier Vallat est né le 23 décembre 1891 ; il est le dixième et avant-dernier enfant d’une famille catholique et traditionaliste. Il fait des études de droit, exerce en tant que professeur et avocat. Il participe à la Première Guerre mondiale, durant laquelle il perd un oeil et une jambe. À l’issue du conflit, il est décoré de la légion d’honneur et reçoit quatre citations. En 1919, il est élu député sur une liste très conservatrice d’Ardèche, d’où il est originaire. Après plusieurs années sans étiquette politique, il adhère finalement au parti de la droite libérale et conservatrice, la Fédération républicaine. Militant catholique engagé et orateur brillant, il prône le retour aux valeurs catholiques et affiche une hostilité à l’égard de la République, des communistes et du Front populaire. Dans les années 1930 il est une figure centrale de l’opposition.
Quelques années auparavant, il avait rejoint la Ligue franc-catholique / Ligue antijudéo-maçonnique, créée en 1913 en réponse à l’affaire Dreyfus et à la séparation de l’Église et de l’État. L’antisémitisme de Xavier Vallat était alors assumé, revendiqué même, mais il n’était pas exacerbé pour autant. Tout change avec l’arrivée au pouvoir du Front populaire. En 1936, à la tribune parlementaire, il s’en prend violemment à Léon Blum et déplore que la France puisse être dirigée par un Juif. Son invective donne le ton. Xavier Vallat devient le chef de file des antisémites français.
Il se radicalise, attaque verbalement ses anciens collègues et défend des membres de la Cagoule, une organisation clandestine d’extrême droite, fondée en 1936, qui tente de renverser le gouvernement. L’agressivité verbale de Xavier Vallat et ses opinions très conservatrices ne freinent en rien son avancée politique. Au contraire. En janvier 1940, il est élu vice-président de la Chambre. Le 10 juillet 1940, à Vichy, il vote en faveur de la révision des lois constitutionnelles et des pleins pouvoirs à Pétain. La Troisième République, qu’il exècre tant, est morte. Deux jours plus tard, il est nommé secrétaire général aux Anciens combattants.
Au printemps 1941, il devient le premier commissaire général aux questions juives. Son retentissant discours contre Blum cinq ans plus tôt lui ouvre les portes d’une carrière de législateur antisémite. Son pouvoir est immense. Parmi ses missions, il est attendu qu’il propose au gouvernement « toutes dispositions législatives et réglementaires, ainsi que toutes mesures propres à mettre en œuvre les décisions de principe arrêtées par le gouvernement relativement à l’état des juifs, à leur capacité civile et politique, à leur aptitude juridique à exercer des fonctions, des emplois, des professions » (loi du 19 mai 1941). Avocat de profession, il est dévoué à la tâche. Dès son arrivée au commissariat, il travaille sur une nouvelle série de lois, parmi lesquelles le second statut des Juifs, qui sera rendu public quelques semaines plus tard.
La création du CGQJ ne provoque pas de vives angoisses chez les Juifs, qui préfèrent, très largement, savoir leur sort entre les mains d’un Français (qui plus est, connu pour sa germanophobie). Pour les Juifs de nationalité française plus spécifiquement, la nomination de Xavier Vallat est presque rassurante puisque celui-ci s’est déjà exprimé en faveur des Juifs issus de vieilles familles de souche française, ainsi que des Juifs anciens combattants, dont il a défendu certains droits lorsqu’il était secrétaire aux Anciens combattants (avant d’être nommé au CGQJ). Mais leurs espoirs sont vite déçus. Quelques Juifs qui ont en leur possession d’exceptionnels titres militaires, bénéficient certes d’exceptions, mais la très grande majorité des Juifs sont soumis aux dures lois définies par le CGQJ.
Lorsque Xavier Vallat est remercié pour ses services au printemps 1942, il quitte le commissariat avec un très beau palmarès : plusieurs dizaines de décrets, lois et arrêtés sur la gestion de la question juive en France. Il a offert à la France (et à l’Allemagne) un cadre législatif solide, qui rendra possible les arrestations et les déportations à partir de 1942.
Xavier Vallat est arrêté à Vichy le 17 août 1944. Son procès s’ouvre en décembre 1947. Il est l’un des derniers hauts responsables à être jugé. Il ne montre aucun regret, assume ses actions et présente sa politique comme une stratégie de défense. Il échappe à la condamnation à mort. La Cour le condamne, de façon très clémente, à la dégradation nationale à vie et à 10 ans d’emprisonnement. Il ne restera, en fait, que deux ans en prison et sera même amnistié en 1954. Il meurt en 1972 à l’âge de 81 ans.
Sources
Cointet, Jean-Paul. Les hommes de Vichy. L’illusion du pouvoir. Paris, Perrin, 2017.
Joly, Laurent. Xavier Vallat. Du nationalisme chrétien à la collaboration d’état. Paris, Grasset, 2001.
Joly, Laurent. Vichy dans la Solution finale. Histoire du Commissariat général aux questions juives (1941-1944). Paris, Grasset, 2006.