Category Archives: La vichysto-résistance

L’hôtel du Parc / Berthomier

Dans la France d’après-guerre, la mémoire de la Résistance se cristallisa autour d’une croyance selon laquelle, dès 1940, la participation à la Résistance aurait été systématiquement motivée par une volonté de combattre à la fois les Allemands et l’État français. Or, en 1940 et 1941, beaucoup d’hommes et de femmes refusaient la défaite et l’Occupation mais approuvaient la politique intérieure du maréchal Pétain. Ces résistants sont communément appelés « Vichysto-résistants » (terme inventé par Denis Peschanski au début des années 1990).

La vichysto-résistance naît au cœur des ministères. Très rapidement des réseaux de renseignement se développent. Alliance est l’un des premiers et des plus actifs.
Pierre Berthomier, natif de Cusset (ville limitrophe de Vichy), est un agent dévoué du réseau, qu’il rejoint quelques semaines à peine après sa démobilisation en août 1940. Pilote chez Air Bleu, il est en charge de distribuer le courrier de l’hôtel du Parc en zone libre. Il profite de ces nombreux allers-retours pour transmettre des informations aux agents d’Alliance et collecter des renseignements. Il utilise également ses vols pour repérer des terrains pouvant être utilisés pour des parachutages (d’armes, d’hommes, de documents, de vêtements, de radios et d’argent).

À partir de 1943, la Gestapo, en collaboration avec les services de contre-espionnage et ceux du Sipo-SD, déploient des efforts considérables pour démanteler le réseau. De nombreux membres, dont Berthomier, sont arrêtés. Après avoir été incarcéré plusieurs mois à Clermont-Ferrand et à Fresnes, il est déporté, au printemps 1944, au camp de Schirmeck, en Alsace annexée. Le 1er septembre, une centaine d’agents du réseau Alliance sont conduits au KL Natzweiler, où ils sont tous exécutés. Berthomier fait partie des victimes.

Pierre Berthomier reçut à titre posthume la Croix de Chevalier de la Légion d’honneur, la Médaille de la Résistance et la Croix de guerre avec citation à l’ordre de l’armée.
Pour plus d’informations sur l’hôtel du Parc, voir le point d’intérêt correspondant (« Hôtel du Parc » dans la catégorie « L’État français »)

La résidence de Jean Sabatier

Dans la France d’après-guerre, la mémoire de la Résistance se cristallisa autour d’une croyance selon laquelle, dès 1940, la participation à la Résistance aurait été systématiquement motivée par une volonté de combattre non seulement les Allemands, mais également l’État français. Or la réalité fut plus complexe. En 1940 et 1941, beaucoup d’hommes et de femmes refusaient la défaite et l’Occupation mais approuvaient et soutenaient le maréchal Pétain et la Révolution nationale. Ces résistants sont communément appelés « Vichysto-résistants » (terme inventé par Denis Peschanski au début des années 1990).

En 1940, Georges Loustaunau-Lacau, ancien cagoulard, anti-communiste notoire et spécialiste du renseignement, est employé comme délégué national de la Légion française des combattants. Tout en travaillant pour le Maréchal, il prépare une stratégie de Résistance contre l’occupant. Il crée le réseau « Alliance », qui sera dirigé par Marie-Madeleine Méric à partir de juillet 1941. Soutenu par l’Intelligence Service britannique (IS), le réseau « Alliance » croît rapidement. En 1942, il devient l’un des piliers de la Résistance giraudiste, à laquelle il est intégré en 1943.

À Vichy, les recrues d’ « Alliance » sont nombreuses. Parmi elles : le chirurgien-dentiste Jean Sabatier. Après avoir fait partie du réseau « Marco Polo », il rejoint « Alliance » en 1943. Il prend alors le pseudonyme de « Jean de Marseille ». Peu après, il devient l’adjoint du capitaine Pradelle, chef de secteur du réseau. « Chauviniste convaincu et anti-allemand notoire »*, Jean Sabatier recueille des informations, qu’il transmet au réseau.

Le 22 septembre 1943, une grande opération, dirigée, entre autres, par Geissler et Batissier, est menée au domicile de Jean Sabatier. Il est arrêté en compagnie de plusieurs de ses employés et amis. Jean Sabatier est conduit au siège de la Gestapo, où il est atrocement torturé. Il est ensuite interné à la prison de Fresnes, avant d’être transféré à la prison de Kehl, près de Strasbourg. Condamné à mort par le tribunal de Fribourg-en-Brisgau, il est exécuté à Rastatt le 24 novembre 1944.

* AD (Puy-de-Dôme), 908 W 168. Rapport du Commissaire Juge, 23 septembre 1943.

En savoir plus sur Georges Loustaunau-Lacau

L’hôtel de Séville

Rencontre avec François Mitterrand 

Dans la France d’après-guerre, la mémoire de la Résistance se cristallisa autour d’une croyance selon laquelle, dès 1940, la participation à la Résistance aurait été systématiquement motivée par une volonté de combattre non seulement les Allemands, mais également l’État français. Or de nombreux résistants partageaient les valeurs maréchalistes. Pour ces hommes et ces femmes, travailler pour le gouvernement et aider la Résistance allaient de pair. Leur objectif était avant tout de préparer le terrain pour que les dirigeants français puissent reprendre le combat lorsqu’ils en auraient la possibilité. Parmi ces « vichysto-résistants », beaucoup ont travaillé au sein d’institutions vichystes, telle que la Légion, qui avait son siège à l’hôtel de Séville. Ce fut notamment le cas de François Mitterrand.

Créée en août 1940, la Légion française des combattants représente l’ordre nouveau que Vichy souhaite instaurer. Ses membres constituent les plus fidèles soutiens du Maréchal et de la Révolution nationale. Son rôle de propagande est immense.

C’est ici que travaille François Mitterrand en 1942. Évadé du stalag en décembre 1941, il arrive à Vichy en janvier 1942 et est embauché au service de « documentation » de la Légion, qui est, en fait, un service de renseignements, dont l’objectif est de recueillir des informations sur les « antinationaux », tels que les communistes et les gaullistes. Après quelques mois à l’hôtel de Séville, il est embauché au Commissariat au reclassement des prisonniers de guerres rapatriés. En 1943, il est décoré de la francisque.

La même année, Mitterrand fonde un mouvement de résistance « prisonnier », qui s’engage au côté de l’Organisation de résistance de l’Armée (ORA), d’allégeance giraudiste. Fin 1943, Mitterrand, recherché par la Gestapo, quitte définitivement Vichy.