Tous les pays conquis par les Nazis eurent leur économie pillée et leur main d’œuvre exploitée. La France ne fit pas exception.
L’exploitation économique de la France commence dès 1940. Les Allemands imposent qu’une part importante de la production agricole et industrielle soit mise à leur disposition et obligent les grandes entreprises à produire pour eux. L’occupant encourage également les ouvriers français à aller travailler en Allemagne. Pour faciliter leur départ, les Allemands ouvrent des bureaux de recrutement dans plusieurs villes de la zone occupée.
Au début de l’année 1942, alors que le IIIème Reich a de plus en plus besoin de main d’œuvre, les Allemands exigent que le gouvernement de Pétain s’implique activement dans la recherche de travailleurs français. Pierre Laval, revenu au gouvernement en avril 1942, met en place un système de « Relève ». En échange de trois ouvriers volontaires, un prisonnier de guerre français est libéré. Les bureaux de recrutement se multiplient, y compris dans la zone sud. Des locaux sont réquisitionnés et des agents français sont mis au service des Allemands pour faciliter les embauches.
Les départs volontaires sont relativement nombreux durant l’été 1942. Toutefois, leur nombre n’atteint pas les quotas fixés par l’occupant. Le 4 septembre, le gouvernement français promulgue une loi relative à l’utilisation et à l’orientation de la main d’œuvre, préfigurant celle du 16 février 1943 sur le Service du Travail Obligatoire. Les départs volontaires deviennent moins nombreux. Ils ne cessent pas pour autant. Jusqu’à la fin de la guerre, des Français continueront à partir travailler en Allemagne de leur plein gré.
Les motivations des travailleurs volontaires étaient diverses et ont évolué au fil de la guerre. On peut toutefois noter trois motivations principales. Ce sont les mêmes qui ont poussé certains français à rejoindre la Milice, à savoir : motivations politiques, motivations économiques ou volonté de rompre avec un passé encombrant.
Jany Batissier naquit à Moulins en 1909. Il fut nommé inspecteur de police en 1934. Quatre ans plus tard, il fut suspendu par le Front populaire à cause de son militantisme en faveur de l’extrême droite et son appartenance à la Cagoule.
Mais de nouvelles opportunités professionnelles se présentent à lui pendant la Seconde Guerre mondiale. Peu après la création de l’ « État français », Batissier est employé au service de sécurité personnel de l’amiral Darlan. À la fin de l’année 1942, il intègre les services de la Gestapo de Vichy, dirigée par Geissler, et s’installe Boulevard des États-Unis, au cœur du quartier allemand. Sa sœur étant la maitresse de Geissler, il est rapidement promu chef de brigade. Jusqu’à la Libération, Batissier et ses hommes orchestrent de nombreuses arrestations dans la région vichyssoise.
Arrêté au printemps 1945, il est condamné à mort l’année suivante et fusillé à Nevers le 18 juillet 1946.
Comment expliquer que des Français se mirent volontairement à la disposition des Allemands ? Si les antécédents de Batissier nous laissent à penser que ses motivations étaient (en partie, au moins,) idéologiques, de nombreux autres agents français se mirent au service des Allemands pour d’autres raisons.
La très bonne rémunération offerte par les Allemands constituait un avantage indéniable pour beaucoup d’hommes et de femmes de la classe ouvrière, dont la situation économique n’avait fait qu’empirer depuis le début de la guerre. Plusieurs Vichyssois se laissèrent tenter par l’appât du gain. Suite à son licenciement de la Police française et à la séparation d’avec sa femme en 1942, Henri D. fut confronté à de gros problèmes financiers. Peu après, il commença à se livrer à un important trafic de marché noir et se mit au service des Allemands. Il fut engagé comme agent de la Gestapo au prix de 4 000 francs par mois. Il recevait, en outre, des primes de 2 000 à 10 000 francs pour des renseignements donnés à la police allemande.
Les premiers Allemands s’installent à Vichy dès 1940. Suite à l’occupation du nord de la France, plusieurs agents nazis sont envoyés en zone sud, y compris à Vichy, afin d’établir des « relations » avec le gouvernement.
Si durant les premiers mois de l’Occupation, la présence allemande à Vichy est beaucoup plus contraignante pour le gouvernement qu’elle ne l’est pour la population, à partir de la fin de l’année 1941, la situation évolue. Les membres de la Gestapo sont de plus en plus nombreux et après l’occupation de la zone libre, en novembre 1942, ils sont littéralement partout. Le principal détachement de la Gestapo en Allier est stationné à Vichy, avec des bureaux à Montluçon et à Moulins.
À Vichy, ils s’installent boulevard des États-Unis. Au total, ils réquisitionnent vingt-cinq bâtiments, dont l’hôtel du Portugal. C’est ici que la Gestapo interroge et torture ceux qu’elle a arrêtés ou fait arrêter. Un homme employé dans un ministère tout proche raconte : « J’prends mon boulot à 5 heures du matin. J’y vais en vélo. En passant devant l’hôtel du Portugal, ça a été terrible. J’ai entendu des hurlements de douleur qui provenaient […] de la cave. I d’vaient torturer quelqu’un. C’était atroce »*.
Après la guerre, l’hôtel est utilisé par le Comité de Libération comme camp d’internement. Les deux autres camps de Vichy, le Concours hippique et le Château des Brosses ne disposant pas de l’infrastructure nécessaire aux procédures médicales, un camp-hôpital est créé à l’hôtel du Portugal. Une trentaine de prisonniers peuvent y être accueillis en même temps. Le service médical est assuré par le Docteur Lacarin, futur maire de Vichy. Une autre section de l’hôtel est réservée à l’internement des prisonniers qui se sont mal conduits au Concours hippique ou au Château des Brosses.
* Témoignage d’un Cussétois employé dans un ministère. Cité dans Georges Frélastre, Un Vichyssois sous Vichy, p. 22.